La date de 1752 a souvent été avancée pour la fondation des Forges de Clabecq.  Il s’agit d’une erreur manifeste.  Elle correspond en réalité à l’obtention par le vicomte de Flodorp, seigneur de Clabecq, de l’octroi lui permettant de construire un moulin à moudre le grain sur la Sennette. 

Le Musée « de la Porte » dispose d’une copie photographique de ce document.  L’acte original sur parchemin est encore conservé de nos jours par la S.A. Duferco-Clabecq, malgré plusieurs tentatives pour le faire déposer au Musée ou aux Archives Générales du Royaume. 

L’octroi de 1752 autorisant la construction d’un moulin à eau pour moudre le grain à Clabecq

Voici ce que nous apprend cet acte.  Le vicomte de Flodorp, désirant construire un moulin à farines dans sa seigneurie de Clabecq, s’adressa au Gouvernement des Pays-Bas autrichiens pour en obtenir la permission. 

Pour appuyer sa requête, il affirme que ce sont les habitants de Clabecq, dont le nombre est estimé à environ 150 communiants (= les habitants de plus de 7 ans), qui se plaignent de ne pas disposer d’un moulin près de chez eux.  Le plus proche – probablement celui d’Oisquercq – était éloigné de plus d’une demi lieue.  A en croire la supplique, ce moulin venait parfois à manquer d’eau, de sorte que les habitants de la seigneurie se trouvaient alors obligés de parcourir une lieue ou plus pour porter leur grain à moudre.  Les autres moulins des environs étaient ceux de Lembeek, de Braine-le-Château, de Coeurcq, de Ripain ou de Tubize.  Touché par cette situation, il se serait résolu à construire un moulin à eau pour moudre le grain sur la rivière Samme, ancienne dénomination de la Sennette actuelle.  Pour obtenir gain de cause, il fait aussi remarquer qu’il n’y avait pas de moulin banal auquel les habitants de la seigneurie de Clabecq auraient été tenus de faire moudre leur grain. 

Ce que l’acte ne dit pas, c’est que le projet de construction d’un moulin à eau à Clabecq suscita maintes difficultés avec les propriétaires des moulins voisins, en particulier avec le chapitre de Nivelles.  Mais c’est là une autre histoire. 

Quoi qu’il en soit, la construction du moulin fut autorisée près du pont de Clabecq et l’octroi accordé le 19 juillet 1752, moyennant le payement d’une reconnaissance de dette annuelle de 20 florins

C’est bien sûr ce moulin à eau qui sera à l’origine des Forges de Clabecq une trentaine d’années plus tard. 

On ne sait pratiquement rien sur la bâtisse.  L’examen des cartes anciennes et du cadastre du XIXe siècle permet de constater que le bâtiment fut construit perpendiculairement à la voirie d’un côté et au canal de dérivation de l’autre, un petit peu en amont du pont enjambant la rivière entre Tubize et Clabecq. 

Là furent installées des vannes, formant barrage.  La fermeture de ces vannes faisait monter les eaux qui pouvaient alors être déviées dans un bief ou canal de dérivation d’eau.  L’eau ainsi déviée actionnait la ou les roues hydrauliques du moulin.  L’eau tombait en contre-bas, dans un bassin.  Au-delà, elle était ramenée à la rivière par le canal de dérivation.  D’après les cartes et les plans anciens, le canal de dérivation primitif devait faire environ 225 à 250 m de long et 4 à 5 m de large.

Les dernières traces des vannes ont malheureusement été détruites en 2010.  Elles s’appuyaient sur une solide structure en pierre de taille, très probablement du petit granit de la région de Soignies. 

Les dimensions du moulin peuvent se déduire des plans postérieurs de l’usine (notamment ceux de 1871 et 1909) où le bâtiment est encore représenté.  Il devait faire environ 20-21 m de long sur 10 m de large.  Il comprenait bien sûr la machinerie, mais aussi une habitation pour le meunier.  Au rez-de-chaussée, cette dernière occupait une surface d’environ 12-13 m de long sur 6 m de large.  On ignore bien sûr s’il disposait également de pièces à l’étage ou si celui-ci servait uniquement de grenier. 

Ce moulin était vraisemblablement construit en moellons locaux d’arkose provenant des carrières du seigneur.  Il ne devait y avoir qu’un seul niveau.  La façade principale devait être celle qui est orientée au Sud et donnait dans la cour vers les dépendances, notamment les écuries et les étables.  Si l’on peut encore se baser sur le plan de 1871, les entrées se trouvaient plutôt au centre de la façade.  A droite, une entrée charretière donnait accès au moulin proprement dit.  On peut imaginer qu’à sa droite une fenêtre donnait de la lumière dans la pièce.  A gauche, une porte menait à l’intérieur de l’habitation.  Celle-ci était éclairée par une ou plus vraisemblablement deux fenêtres.  Au moins une lucarne avec monte charge devait permettre d’engranger les sacs dans le grenier.  L’allure de la façade arrière, par contre, est plus difficile à imaginer. 

La toiture était en batière, comme il est possible de l’apercevoir furtivement sur une carte postale du début du XXe siècle.  On distingue clairement une couverture de tuiles. 

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Retranscription du texte de 1752 :

Marie Thérèse, par la grace de Dieu impératrice des Romains, reine d’Allemagne, de Hongrie, de Bohème, de Dalmatie, de Croatie, d’Esclavonie, etc. archiduchesse d’Autriche, duchesse de Bourgogne, de Lothier, de Brabant, de Limbourg, de Luxembourg, de Gueldre, de Milan, de Stirie, de Carinthie, de Carniole, de Mantoue, de Parme et Plaisance, de Wirtember, de la Haute et Basse Silesie ; princesse de Suabe et de Transilvaine ; marquise du St Empire Romain, de Bourgovie, de Moravie, de la Haute et Basse Lusat ; comtesse de Habsbourg, de Flandres, d’Artois, de Tirol, d’Hainaut, de Namur, de Ferrete, de Kybourg, de Gorice et de Gradisca ; landgrave d’Alsace ; dame de la marche d’Esclavonie, du Port-Maon, de Salins et de Malines ; duchesse de Lorraine et de Bar, grande duchesse de Toscane ; à tous ceux qui ces présentes verront salut.  Reçu avons l’humble suplication et requete du vicomte de Flodorp, Sr de Clabecque, contenant qu’il se trouveroit continuellement importuné par les habitans dudit village au nombre d’environs cent cinquante communians, pour avoir un moulin à eau à moudre grains, vu que celui le moins éloigné seroit distant de plus d’une demi lieue, outre qu’il manqueroit souvent d’eau, de sorte que ce cas arrivant lesdits habitans seroient obligés de porter leur grains à des moulins éloignés d’une lieue et plus dudit Clabecque, que le remontrant, touché enfin par des raisons si fortes, se seroit déterminé à faire construire au susdit village de Clabecque un moulin à moudre grains sur la rivière de Samme, et d’autant plus qu’il n’y auroit aucun moulin banal dans ces quartiers là, mais que comme le cours de l’eau nous appartiendroit, il nous auroit très humblement suplié de vouloir luy accorder l’octroi, faculté et permission nécessaire de construire sur ladite rivière de Samme tranversant ledit village de Clabecque un moulin à moudre grains, parmi la reconnoissance ordinaire.  Savoir faisons que nous les choses susdites considérées, et inclinant favorablement à la très humble suplication et requete dudit vicomte de Flodorp, Sr de Clabecque, lui avons, par avis de nos très chers et feaux les surintendant et directeur général, conseillers et commis de nos domaines et finances, qui … en au préalable celui des députés des Etats de notre pays et duché de Brabant, oui le Conseiller Receveur général de nos domaines au Département de Bruxelles, à la délibération de notre très cher et aimé beau frère et cousin Charles Alexandre, duc de Lorraine et de Bar, de Calabre, de Gueldres, de Montferrat, de Teschen en Silesie ; prince de Charleville ; marquis de Pont à Mousson, et Monceny, comte de Provence, de Vaudemont, de Blanckenberg, de Zulphen, de Saarwerden, de Salin, de Falckensteen, etc. etc., chevalier de l’Ordre de la Toison d’Or, maréchal des armées du St Empire Romain et de notres, colonel d’un regiment d’infanterie, notre Lieutenant Gouverneur et Capitaine général de nos Païs Bas ; consenti, permis et octroie comme nous consentons, permettons et octroïons par ces présentes au supliant d’ériger audit village de Clabecque un moulin à eau sur la dite rivière de Samme près du pont, parmi paiant annuellement en reconnoissance de notre présente grace à notre profit un cens de vingt florins, dont le première année echéera en décembre mille sept cent cincquante trois, et ce ès mains du Conseiller Receveur général de Nosdits Domaines au Département de Bruxelles présent ou autre à venir, duquel il sera tenu de passer lettres d’adhéritance pardevant ceux de Notre Chambre des tonlieux pour notre assurance, à moins qu’il veuille le redimer selon le dernier placcard du neuf mars mille sept cent trente neuf, le tout sauf le préjudice et le droit d’un tiers, et en cas que quelque difficulté ou procès vint à se mouvoir à cette cause, le supliant sera tenu de les soutenir à ses fraix, risques et despens, et à charge d’observer toutes les formalités requises, et qu’avant de pouvoir jouir de l’effet de Notre présente grace ledit vicomte de Flodorp, Sr de Clabecque, sera tenu de faire exhiber ces dites présentes tant au Conseil de Nos dites Finances, qu’en Notre Chambre des Comptes pour y être respectivement vérifiées, entérinées et enregistrées à la conservation de nos droits, hauteurs et autorité, là et ainsi qu’il appartiendra ; si donnons en mandement à nos très chers et féaux les Chancelier et gens de notre Conseil de Brabant, Président et gens de notre Chambre des Comptes et à tous autres, nos justiciers, officiers et sujets qu’il appartient que de cette notre présente grace et octroi, ils fassent, souffrent et laissent ledit supliant pleinement et paisiblement jouir et user, cessant tous contredits et empechemens, au contraire, car ainsi nous plait-il, en témoin de ce nous avons fait mettre notre grand seel à ces présentes, données en notre ville de Bruxelles, le dixneufvième jour du mois de juillet de l’an de grace mille sept cent cinquante deux, et de nos règnes le douzième.

Par l’impératrice Reine

Son Altesse Royale Lieutenant Gourverneur et Capitaine général des Païs Bas, Messires le marquis d’Herzelles, Surintendant et Directeur général, P. Bellanger, J.C. Boschart, Conseiller et commis des Domaines et Finances de Sa Majesté, Et autres présents.

[signé :] le baron de Lados.

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Luc DELPORTE, La construction du moulin à eau de Clabecq en 1752, extrait du site www.museedelaporte.be (consulté à la date du …).