Tout amateur de patrimoine industriel connaît immanquablement le travail fabuleux de recensement mené des années durant par ce célèbre couple allemand : Bernd & Hilla Becher. Spécialistes des « typologies industrielles », ils photographieront leur vie durant des installations de façon, sinon quasi robotique, à tout le moins selon un protocole immuable et reproductible.
Ces images montrent que l’intention esthétique précède le projet documentaire. Présentées dans un accrochage dense, sous forme de tableau de 9, 12 ou 15 photographies, sur plusieurs rangées, leur sens de lecture peut être horizontal, vertical ou diagonal.
Photographiés avec des chambres de grandes dimensions pour annuler les défauts de perspectives, toujours avec un ciel « laiteux » et sans nuages, sans jamais distraire par une amorce ou un avant plan, les clichés des Becher sont d’une froideur parfois déconcertante. C’est une démarche scientifique et documentaliste qui les anime. L’art n’a que peu de place dans leur travail, ils archivent pour les générations à venir, conscients d’une désindustrialisation galopante de la vieille Europe.
Avec le recul (ils ont oeuvré entre les années 50 et 80), un caractère esthétique évident se dégage néanmoins de ce travail à la chambre Linhof 8×10. L’unité qui règne dans les séries (châteaux d’eau, chevalements, hauts-fourneaux …) est impressionnante. Par le cadrage, l’utilisation systématique du noir et blanc et aussi par cette faculté de présenter la plupart des travaux sous le meilleur angle géométrique, celui des formes et des lignes.
Il était hautement probable que Hilla & Bernd soient passés aux Forges. Après plusieurs mois d’enquête qui nous ont mené jusqu’à New-York, nous sommes en mesure de lever un coin du voile.
Antonio Sestu (Responsable Sécurité aux Forges dans ces années là) se souvient avoir reçu un courrier des Becher demandant l’accès au site. Malheureusement, le document semble avoir disparu. Nous avons effectué de nombreuses recherches pour retrouver d’éventuels clichés des Forges signés des Becher. La piste la plus logique fût de trouver les publications liées aux Hauts-Fourneaux. Ce fut simple et rapide. LMdF présente ici les deux clichés relevés dans HOCHÖFEN [227 Seiten, 223 Duotone – Tafeln, 96 Abbildungen ISBN 3-88814-352-7 Schirmer/Mosel, paru dans les années 90]
Nous ne pouvions pas imaginer que les Becher s’étaient contentés de deux clichés au sujet de Clabecq et nous nous sommes mis en quête de retrouver Hilla pour avoir la réponse. C’est la galerie Sonnabend à New-York qui gère l’héritage des Becher.
Le Musée de la Porte est très fier de la confiance que Hilla becher a accordé à notre travail en nous envoyant
2 clichés supplémentaires totalement exclusifs des Forges.
A l’analyse de ces images, il semble que les Becher soient au moins passés deux fois aux Forges. En effet, sur la série reçue de NY, l’enfilade des 5 hauts-fourneaux à monte charge Sthaeler prouve qu’une partie des clichés sont antérieurs à 1972, date de construction du HF6. Par contre, les clichés publiés dans Hochöfen en 1990 sont tous légendés à la date de 1985, soit 13 ans après la construction du 6 qui n’apparaît sur aucun des clichés.
Que faut-il y voir ? Que les Becher avaient probablement compris avant tout le monde que ces machines à monte charge Sthaeler sont des pièces de grand intérêt patrimonial.
Remerciements : Hilla Becher, Sylvia Pigarella, Sonnabend Gallery New-York, Xan Price from Sonnabend Gallery
Thanks for that… They will be soon – 4 September 2012 – destroying the factory where my grand-fathers, father and uncle once worked!