Cet article aurait pu aussi s’intituler : Hoeilaart 1 – Oisquercq 0 ou comment une activité économique en chasse une autre. C’est un aspect peu connu de l’histoire des Forges et que nous avons découvert par le plus grand des hasards … Le lecteur qui est intéressé par ce thème pourra aussi visionner le film d’Olivier Vandersleyen « Effet de Serres » dont le trailer est visible ci-dessus. Il relate en 88 minutes l’histoire fantastique des serres de Hoeilaart.

 

Il y a quelques mois, au détour d’une conversation avec Pierre Dessy, celui-ci nous informe que son père Emile avait bataillé des années durant avec les serristes de Oisquercq au sujet de la pollution générée par les Forges. Il était en effet reproché aux Forges de rejeter une quantité importante de fumées susceptibles d’occulter les vitrages des serres, affectant ainsi le rendement et entraînant un surcroit de travail pour les viticulteurs. Nous avons retrouvé un descendant direct de l’illustre Arthur Simonet, bien connu des Oisquercquois pour avoir été leur mayeur pendant 25 ans. Arthur était aussi à la tête de 42 serres. Son petit fils Christian (qui pose fièrement ici avec sa maman) a heureusement gardé une belle partie des documents qui constituent une page peu connue des Forges.

 

Les 5 premiers hauts-fourneaux cerclés de Clabecq n’étaient équipés que d’une simple cloche. Lors des opérations d’enfournement, des fines de coke noires et grasses pouvaient alors s’échapper dans un nuage noir qui inévitablement retombait quelques kilomètres plus loin en fonction des vents dominants. Oisquercq étant au sud des Forges, les vents dominants du nord ramenait la pollution vers les serres. Les chutes de charges dans les hauts-fourneaux peuvent expliquer occasionnellement de grands dégagement polluants. Quand la charge restait bloquée dans un haut-fourneau, il fallait la faire tomber à tout prix. On arrêtait alors le vent ou on pouvait aller jusqu’à utiliser un bâton de dynamite pour faire retomber la charge du haut-fourneau. Il s’en suivait alors un formidable dégagement de poussières, les soupapes de sécurité s’ouvrant en grand avec la supression produite dans les cuves. Il est cependant plus probable que la majorité du polluant venait de l’aciérie Thomas (entre 1910 et 1964). Les scories non équilibrées contenaient encore un peu de chaux vive libre et étaient largement rejetées dans l’atmosphère lors du soufflage aux cornues mais aussi en provenance du parc de broyage à scories ou de toutes autres manipulations de ces scories. Dés 1964, l’aciérie LD construite à Ittre dégagera régulièrement de grands panaches de fumées, lors des coulées, libérant par la même occasion des oxydes de fer rougeâtres (sans chaux) comme on peut le voir sur les nombreux clichés pris par le père de Chistian à cette époque.

 

 

Le travail de nettoyage après un pic de pollution était considérable. Les serristes devaient nettoyer les vitrages à l’acide pour se débarrasser des dépôts occultant laissés par les fumées de l’usine. Cet acide attaquait à son tour le mastique qui finissait par se désagréger et par faire tomber les carreaux. Un travail à recommencer sans cesse, usant et décourageant. Christian Simonet se souvient que son père laissait toujours un carreau non nettoyé sur chaque serre afin de pouvoir prouver la nature des nuisances. Il a aussi le souvenir de son père armé de son appareil photo à l’affut des dégagements de fumées provoqués par l’usine. Pierre Dessy quand à lui, évoque la politique de son père dans ce dossier.

Las des procès à répétition et des nombreuses indemnisations exigées par les juges, les Forges entament dès la sortie de la guerre un rachat massif des serres de la région en vue de les abattre et donc de se débarrasser du problème d’une façon radicale. Les Forges achètent donc leur droit de polluer à grands renforts d’argent! Cette politique portera doublement ses fruits. En une ou deux décennies, Oisquercq et la région voit toute son activité viticole découragée par la politique menée par les Forges. Mieux, au moment de la construction de l’usine de Ittre, Emile Dessy se trouve devant un problème fort répandu en milieu rural : la difficulté, sinon l’impossibilité d’acquérir les indispensables terrains agricoles nécessaires à l’extension de l’usine. Chaque hectare récupéré à Ittre sera échangé par Emile Dessy contre deux hectares bien souvent acquis par la politique délibérée des Forges de voir disparaître les vignes du paysage. Même les Simonet finiront par jeter l’éponge dans les années 60 en échange … d’un emploi aux Forges.