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Remarque préliminaire :
A la suite de la mise en ligne de cet article, j’ai reçu par mail (26/10/2010) une intéressante réaction de Mr Jacques Debacker, ancien ingénieur principal des Forges, notament sur le problème de la datation du détournement de la route. Ce dernier me faisait remarquer que la carte d’Etat major de 1872 qu’il a consultée ne faisait pas encore état de la modification de la voirie. Sans entrer ici dans un débat sur les dates de levés et d’impressions – avec ou sans mises à jour – , cela m’a incité à pousser plus avant mes recherches. Après consultation de l’historienne des Forges Madeleine Jacquemin, laquelle nous a bien obligeament fourni les données en sa possession (mail du 26/10/2010), après aussi une petite plongée dans les documents conservés au Musée et la découverte d’éléments nouveaux, je me suis décidé à corriger l’article. Je remercie donc chaleureusement Madeleine Jacquemin et Jacques Debacker pour leur concours.
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Introduction
La route qui longe le moulin de Clabecq est très ancienne. Son histoire, ainsi que celle des différents « ponts de Clabecq », reste encore à écrire. Dans les textes, ce tronçon de route porte diverses dénominations, « chemin de Tubise à Braine-le-Château » (1781), « pavé de Clabbeck à Tubize » (1816), « route provinciale de Tubize à Braine-le-Château » (1867) ou « de Braine-le-Château à Tubize » (1871, 1909). Plus anciennement on parlait plutôt du (grand) chemin de Nivelles ou de Tubize à Nivelles, par Clabecq et Ittre.
Le tronçon entre Tubize et Clabecq, celui qui nous intéresse plus particulièrement ici, était un chemin de liaison entre différentes voies importantes et très anciennes. Un itinéraire pré-romain (sans doute déjà néolithique) empruntant la ligne de crête séparant les bassins hydrographiques de la Senne et de la Sennette, devenu au début de notre ère un important diverticule entre les chaussées romaines Bavay-Tongres et Bavay-Asse, passait à l’endroit qui deviendra le centre de Tubize et y traversait à gué puis sur un pont la Senne. Un autre diverticule romain, partait de l’important vicus de Liberchies vers Nivelles et se prolongeait vers le Nord par plusieurs itinéraires. L’un d’eux est notre vieux « chemin de Nivelles » par Ittre et Clabecq. Pour certains spécialistes, arrivé à Clabecq, il se prolongeait par Lembeek et longeait la rive droite de la Senne en direction du vicus d’Ellewijt. De Tubize, un embranchement quittait le premier diverticule pour rejoindre le second à Clabecq, après avoir passé la Sennette. Il se prolongeait même au-delà de Clabecq vers Braine-le-Château (par la rue Saint-Jean et non par l’actuelle Route Provinciale) pour rejoindre un autre itinéraire romain par Nivelles et Halle.
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Redressement de la route
Le tronçon entre Tubize et Clabecq rencontrait d’abord un petit ruisseau, affluent de la Sennette (rive gauche), puis la Sennette elle-même qu’elle passait sur un pont en maçonnerie. La construction du moulin de Clabecq en 1752 imposa l’aménagement d’un canal de dérivation d’eau. Les vannes formant barrage et la déviation furent implantées en amont du pont sur la Sennette, ce qui obligea à construire un nouveau pont enjambant ce canal de dérivation. Après ce pont, le chemin filait en ligne droite vers Clabecq.
Une première modification de ce chemin intervint avec le creusement du canal Bruxelles-Charleroi (début des travaux en 1827 et ouverture au trafic en 1832). Un quatrième pont permettait de franchir le nouveau canal au niveau de l’écluse n° 46. Pour le rejoindre, le chemin devait effectuer une grande boucle par la gauche. Cette rectification de la voirie étant commandée par les travaux du canal et non par les Forges de Clabecq, nous ne nous y attarderons pas.
Le chemin de Tubize à Clabecq passait à l’intérieur des terrains appartenant aux Forges puisqu’il traversait l’îlot formé par la Sennette et le canal de dérivation. Les deux ponts à passer étaient étroits et les chicanes ainsi créées devait fortement gêner le trafic. On comprend qu’avec l’aménagement et le pavement de la « Route Provinciale » on se soit résolu à rectifier la voirie au niveau des Forges. Ces travaux furent accomplis à la demande de Josse Goffin pour lui permettre d’agrandir son usine.
Cliquez sur le plan pour l’agrandir
Nous devons à Antonio Sestu de posséder une copie d’un plan indiquant la rectification à réaliser.
La modification de la voirie débute là où le chemin franchit le petit affluent de la Sennette. Le pont étroit qui existait a été remplacé par un passage nettement plus large (env. 10 m). Au lieu de partir immédiatement sur la gauche et de franchir la rivière sur l’antique et étroit pont, la nouvelle route filait en ligne droite puis amorçait une large courbure vers la gauche. Elle passait alors la Sennette sur un nouveau pont, plus large que l’ancien, un peu en amont du barrage sur la rivière et du pont qui enjambait le canal de dérivation. Depuis ce pont, la route se prolongeait en ligne droite et rejoignait le tracé antérieur, à l’endroit où celui-ci amorçait la grande boucle sur la gauche pour franchir le canal.
Ainsi rectifiée, la voirie était nettement moins tortueuse, ne pénétrait plus à l’intérieur du terrain des Forges, et franchissait un pont de moins. Excepté pour le pont du canal qui n’avait subi aucune modification, les deux nouveaux ponts étaient larges et placés bien dans l’axe de la route. Celle-ci était élargie par rapport au vieux tracé et atteignait désormais 10 m de large.
A quelle date fut effectivement entreprise cette modification du tracé de la route ? Le plan que nous donnons ci-joint a été réalisé par le géomètre Jean-Baptiste Vankeerberghen, de Bruxelles, à la demande de Josse Goffin. Il est daté du 3 avril 1866. Il est fort probable que tout ceci prend place dans le cadre des travaux de redressement et d’alignement des rues, entrepris par la Commune de Clabecq (depuis 1866). Il faudrait également se pencher sur le dossier de construction et du pavage de la route provinciale qui partait en réalité de la chaussée Halle-Enghien, à Hondzocht, traversait Tubize pour rejoindre Clabecq, puis filait en direction de Braine-le-Château le long du Hain et se prolongeait jusqu’à Braine-l’Alleud et Waterloo.
Nous avons également retrouvé une lettre adressée par Josse Goffin à l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées de Nivelles, datée du 27 novembre 1867. Dans cette missive, dont la copie nous a été transmise il y a quelques années par Antonio Sestu que nous remercions encore, le Maître des Forges signale qu’il a adressé une demande à la Province afin d’être autorisé à déplacer la route Provinciale de Tubize – Braine-le-Château le long de ses usines de Clabecq. Il sollicte une visite sur place de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées pour s’entretenir avec lui de cette affaire. Pour l’anecdote, précisons que Josse Goffin insiste pour que ce rendez-vous soit pris, si possible, un mercredi ou un samedi, jours où il était toujours présent à Clabecq.
A ce stade, nous ignorons tout de la suite qui fut réservée à cette missive. Mais tout indique qu’il obtint gain de cause, puisque la route fut déviée. D’après les informations retrouvées par Madeleine Jacquemin dans les Registres des Conseils communaux de Clabecq, les travaux de modification du tracé de la route durent avoir lieu vers 1870 (Conseil communal du 28/6/1870), et ceux du pont sur la Sennette après 1871 (Conseil communal du 27/6/1871).
Cette modification ne fut pas la dernière que connu ce tronçon de route. Beaucoup plus tard, l’agrandissement du canal nécessita la construction de nouveaux ponts. Le pont de Clabecq sur le canal fut remplacé par un nouvel ouvrage d’art situé dans l’axe du chemin, évitant ainsi la boucle sur la gauche imposée jadis par la localisation de l’écluse n° 46 et du premier pont du canal. Mais ça c’est une autre histoire !
Dernière version : 26/10/2010
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Vous pouvez utiliser cet article ou les données qu’il contient, à la condition de citer la référence suivante :
Luc DELPORTE, La rectification de la route en 1867 imposée par l’accroissement des Forges, extrait du site www.museedelaporte.be (consulté à la date du …).
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